Christianisme et homophobie ?

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Pas rose, le futur du christianisme, selon les personnes interrogées. Mais pas totalement noir. Il y a encore de l’espoir. Toutefois, pour les jeunes, le fonctionnement de l’Église et la pratique religieuse, le stade des clignotants semble déjà dépassé…

Lu sur http://appel-on-line.ibelgique.com

Quand on les interroge sur l’avenir du christianisme, moins de la moitié des sondés (47,5 %) se disent inquiets. Mais ils ne sont que 31 % à être plutôt optimistes. Sans être catastrophique, la situation semble donc au moins préoccupante. Même si une grande différence apparaît entre les sous-populations. Souvent davantage près de la vie active des paroisses, plus pratiquants, les lecteurs de l’Appel sont près de 40 % à être optimistes pour l’avenir du christianisme. Les non-lecteurs, moins proches de la vie des paroisses, sont par contre beaucoup moins positifs : seuls 16 % d’entre eux se disent optimistes.

L’implication des chrétiens dans la société est, elle aussi, envisagée de manière moins noire. Mais cet élément doit être considéré avec prudence, car de nombreux sondés semblent s’être difficilement situés face à cette question qui recueille 36,5 % d’opinions inquiètes pour 32,5 % de personnes ne se prononçant pas et 31 % de réponses optimistes.

Sur trois enjeux précis, par contre, les opinions ne sont plus pessimistes. Plus de 60 % des chrétiens interrogés lors du sondage expriment des craintes face à l’évolution du rapport entre les jeunes et la foi (63 %), au fonctionnement de l’Église (61,5 %) et à la pratique religieuse (60 %). Des chiffres qui, sans friser les 100 % d’opinions négatives, doivent profondément poser question, d’autant qu’ils se manifestent de manière quasiment équivalente chez les lecteurs de l’Appel et auprès des non-lecteurs.

Pour ces trois thèmes, les proportions d’optimistes sont particulièrement faibles : moins de 20 % des personnes interrogées voient de manière positive l’évolution de la pratique religieuse et des rapports entre jeunes et foi. Quant au fonctionnement de l’Église, moins de 15 % des personnes interrogées se disent confiantes à son sujet. Là aussi, avis des « lecteurs » et des « non-lecteurs » se recoupent, sauf pour la pratique religieuse, où les lecteurs de l’Appel interrogés dans le sondage se montrent quelque peu plus optimistes (23 %). Sans doute parce qu’ils incarnent eux-mêmes, davantage que les non-lecteurs, une subsistance de cette pratique.

Des lecteurs plus marqués

À côté de la réponse « statistique » du sondage, les lecteurs qui ont volontairement envoyé leur avis suite à la publication du questionnaire dans le numéro de décembre présentent un profil plus volontaire, démontrant qu’ils entendent être engagés dans la vie de l’Église.

En ce qui concerne l’implication des chrétiens dans la vie de la société, leur réponse est sans commune mesure avec celle du sondage : souvent engagés eux-mêmes, les chrétiens qui ont répondu au questionnaire sont optimistes à 60 %, soit deux fois plus que la moyenne du sondage. Et ils sont à peine moins nombreux (52 %) à voir également de manière positive l’avenir du christianisme en général. Le même optimisme (relatif) touche les rapports entre les jeunes et la foi, que les personnes ayant répondu au questionnaire voient avec optimisme à 28,5 %, soit près de 10 % de plus que dans le sondage. Par contre, ils sont aussi sévères que la moyenne des chrétiens interrogés à propos du fonctionnement de l’Église, et beaucoup plus au sujet de la pratique religieuse.

Ouvrir la morale et décoincer l’éthique

On pouvait s’en douter : le discours officiel de l’Église concernant des problèmes d’éthique ou de morale personnelle n’est, majoritairement, pas soutenu par le peuple chrétien sondé lors de l’enquête. Vieux dossier, le discours officiel concernant de la contraception n’est pas accepté (« pas d’accord », ou « plutôt pas d’accord ») par plus de 80 % des chrétiens interrogés. Les autres sujets délicats que sont l’euthanasie, l’interruption de grossesse et la procréation assistée recueillent plus de 50 % de rejet de la part des personnes interrogées. Mais des minorités importantes (de 25 à 30 %)soutiennent toutefois les points de vue officiels de l’Église sur ces questions. Il y a là, à tout le moins, sujet à débat.

Les chrétiens « non-lecteurs de l’Appel » se montrent plus critiques que la moyenne : 67 % ne partagent pas le discours officiel à propos de l’IVG et 68 % au sujet de l’euthanasie.

En règle générale, pas un chrétien sur trois parmi ceux qui ont été interrogés ne partage le discours officiel sur ces questions éthiques. Chez les « lecteurs de l’Appel », l’attitude doctrinale de l’Église recueille 36 % d’accord ou de « plutôt d’accord » pour l’avortement, et 34 % pour l’euthanasie. Chez les « non-lecteurs », par contre, c’est le point de vue concernant la fécondation in vitro qui réunit le plus d’avis positifs (32 % d’accord ou de « plutôt d’accord »). La position de l’Église à propos de l’avortement n’est « plus ou moins » soutenue que par près de 25 % des non-lecteurs interrogés.

Cette différence témoigne à nouveau de la différence de proximité entre « lecteurs » et « non-lecteurs » par rapport au vécu quotidien de la foi et de la pratique.

Curieusement, on ne retrouve pas le même clivage auprès des personnes ayant répondu à l’enquête publiée dans l’Appel de décembre. Si le point de vue officiel concernant la contraception y est également contesté, ce n’est « que » à 71 %. Le discours de l’Église sur l’IVG et la procréation assistée n’est critiqué « que » par 47,5 % et 45 % des répondants. Enfin, le discours de l’Institution à propos de l’euthanasie est, cette fois, soutenu par 51,5 % des personnes ayant répondu (il n’est contesté que par 38 %).

Ouvrir le fonctionnement de l’Église

Quelles que soient les personnes interrogées, le diagnostic sur le fonctionnement de l’Église est à peu près semblable. Plus de 80 % des sondés s’accordent pour reconnaître que les prêtres catholiques devraient pouvoir se marier et que des hommes mariés devraient pouvoir en devenir prêtre. L’ordination des femmes recueille l’assentiment complet ou partiel (d’accord ou « plutôt d’accord ») de près de 70 % des gens. Ceux-ci sont presque aussi nombreux à souhaiter que des paroisses puissent être dirigées par des laïcs et à estimer qu’une limite d’âge devrait être imposée à la fonction papale. La même limite pour la fonction de prêtre de paroisse est, par contre, largement rejetée (57 % d’opinions opposées).

Ils sont un peu moins de la majorité à estimer que les responsables de l’Église devraient être élus, notamment par les laïcs. Corollaire de ce qui précède, 66,5 % des personnes sondées considèrent qu’il n’y a pas assez de démocratie dans l’Église et 56,5 % croient que les laïcs ne sont pas suffisamment associés à la prise de décision.

Est-ce à dire que l’Esprit oeuvre (ou n’oeuvre pas) dans l’Église ? La question divise davantage : 43 % partagent plutôt qu’il oeuvre. 30 % ne le pensent pas. Il y a donc près de 30 % de personnes qui n’ont pas d’avis sur la question.

Les « non-lecteurs » de l’Appel, suivant moins la vie paroissiale et les questions d’Église au jour le jour, sont légèrement plus critiques sur cette question : 36,5 % d’entre eux, contre 33 % d’abstentions, croient que l’Esprit n’agit pas dans l’Église. Ils estiment aussi moins que la moyenne utile d’imposer une limite d’âge aux fonctions de prêtre, sont moins favorables à voir des laïcs diriger des paroisses et sont plus partagés sur la présence ou l’absence de démocratie dans l’Église (56 % croient qu’il n’y a pas de démocratie, contre 66,5 % pour l’ensemble des personnes interrogées).

A contrario, les lecteurs de l’Appel affichent souvent une attitude un peu plus critique, réclamant davantage de démocratie ou de partage des responsabilités.

Engagés… ma non tropo

Les chrétiens qui ont répondu au questionnaire de l’Appel partagent souvent l’opinion des lecteurs de l’Appel interrogés dans le cadre du sondage, mais avec des positions plus affirmées. Ainsi, davantage encore que les personnes sondées, ils croient que l’esprit est à l’oeuvre dans l’Église. Ils sont aussi plus nombreux à estimer de manière significative (plus de 5 % d’écart) que les responsables d’Église devraient être élus et que les laïcs ne sont pas assez associés aux prises de décision. Mais, alors que 8,5 % à peine des personnes interrogées parmi les lecteurs de l’Appel estimaient qu’il y avait assez de démocratie dans l’Église, les personnes qui ont répondu au questionnaire sont, elles, 14,5 % à partager peu ou prou cette opinion. Ces mêmes personnes sont aussi une majorité relative (48,5 % contre 41,5 %) à estimer qu’il faudrait imposer une limite d’âge aux fonctions de prêtre.

Cet état des lieux établi, les chrétiens seraient-ils prêts à s’engager davantage ? Pas vraiment. Près de 60 % des personnes interrogées ne sont pas d’accord de participer plus activement aux instances de décision ecclésiales. Ce pourcentage est encore plus élevé chez les « non-lecteurs », plus distants de la vie des paroisses et de l’Église, où il atteint 72,5 % de « Non ». Chez les lecteurs, 48 % des sondés ont la même position.

Plus positivement, 41,5 % des chrétiens plutôt actifs seraient prêts à s’engager davantage, et 33 % de l’ensemble des chrétiens interrogés.

Les personnes qui ont répondu au questionnaire paru dans l’Appel sont à 58 % prêtes à s’engager davantage dans les instances ecclésiales. Ce chiffre est équivalent à celui révélé par du sondage chez les abonnés individuels de L’appel.

Soutenir l’Église : plutôt « oui »

Dans plusieurs pays, les prêtres et le culte ne sont pas financés directement par l’État. Parfois, il faut que les fidèles leur apportent directement leurs deniers. Ailleurs, il faut préciser si on souhaite que le fruit de ses impôts soit affecté au financement d’un culte. Si l’on en croit les chrétiens de Wallonie qui ont été sondés, une petite majorité d’entre eux serait prête à consacrer une partie de leurs revenus à cette fin, si l’État ne subvenait plus aux besoins du culte.

Ce sont surtout les chrétiens plus distants de la vie des paroisses et de la pratique qui affichent une réticence à financer le culte (59,5 % de « Non »). Les lecteurs de l’Appel, par contre, y seraient prêts à 63 %. Et ce pourcentage est encore plus élevé chez les personnes ayant répondu au questionnaire publié dans la revue, où il atteint 73 %.

Ces chiffres sont confirmés par les réponses à la question « Si vous pouviez vous-même décider où irait une partie de vos impôts, choisiriez-vous de financer l’Église catholique, un autre culte ou une oeuvre sociale ou caritative ». Dans ces conditions, 56 % des sondés seraient prêts à désigner l’Église catholique, et seulement 16,5 % un autre culte. Mais ils sont 83 % à vouloir que leurs impôts aident une oeuvre sociale ou caritative.

Les personnes ayant répondu au questionnaire publié dans l’Appel sont encore plus engagées en faveur de l’Église, mais sont moins enclines à soutenir le secteur social : 68,5 % d’entre elles sont prêtes à choisir d’attribuer à l’Église une partie de leurs impôts contre 6 % à un autre culte et 59 % « seulement » à une oeuvre sociale ou caritative.

Les convictions engagent, mais faut pas trop le dire !

Les convictions ne concernent pas que l’individu. Qu’elles soient religieuses ou non, elles interagissent avec la vie sociale. 67,5 % des personnes interrogées sont persuadées que leurs convictions influencent leur manière de vivre en société. Mais elles ne sont que 35 % à faire un lien entre ces convictions et les opinions politiques. L’appartenance à une famille politique en fonction de ses croyances semble largement révolue. Chez les lecteurs de l’Appel, généralement plus « engagés », 49,5 % des personnes interrogées estiment toutefois qu’un lien existe entre convictions et opinions politiques. Ce pourcentage atteint même 60,5 % chez les abonnés individuels du magazine. Ceux-ci estiment aussi à 92 % que leurs convictions influencent leur manière de vivre en société. Des chiffres assez proches de ceux recueillis dans les questionnaires renvoyés par les lecteurs : 90 % des personnes qui se sont exprimées en remplissant le formulaire publié dans l’Appel estiment que leurs convictions interagissent avec leur manière de vivre et 62,5 % font un lien entre convictions et opinions politiques.

Ces convictions, près de 90 % des personnes interrogées affirment que leur entourage (collègues de travail, amis, voisins…) en est au courant. Des chiffres qui varient d’à peine quelque pour-cent à la hausse ou à la baisse selon que l’on figure parmi les catégories de catholiques plus ou moins actifs ou davantage convaincus. Même dans une société qui se dit « privatiser » la sphère des convictions, la plupart des gens n’hésitent donc pas à les montrer à leurs proches.

Ce qui ne signifie pas nécessairement que cela soit considéré comme important, ni qu’il faille le faire avec ostentation. Sur l’affirmation « Il est important d’afficher des convictions religieuses », seule une courte moitié des personnes interrogées marque un accord total ou réservé. Et près de 40 % sont plutôt en désaccord. Ces convictions-là ne sont pas de celles que l’on affiche le plus volontiers. Les chrétiens moins engagés sont encore plus clairs sur la question : ils sont 45,5 % à dire qu’il faut plutôt afficher ses convictions… mais sont aussi 44,5 % à penser le contraire. Même les « abonnés individuels » à l’Appel, dont les convictions semblent particulièrement affichées, ne pensent important d’afficher leurs convictions religieuses qu’à 55 %.

Seuls les chrétiens qui ont répondu au questionnaire publié dans le magazine sont plus affirmatifs sur ce point : visiblement très engagés, ils affirment à 61 % qu’il faut afficher ses convictions. Ils sont aussi 87,5 % à penser qu’il est important de dialoguer sur des convictions religieuses, ce qui est sensiblement plus élevé que la moyenne &emdash;déjà importante&emdash; repérée lors du sondage, où plus de 75 % des personnes interrogées étaient d’avis qu’il est « important de dialoguer sur des convictions religieuses ». Sur ce point, les abonnés individuels à l’Appel sont aussi davantage affirmatifs.

Frédéric Antoine

(version « texte » d’une partie du « Grand Angle » publié dans L’appel de mai 2002)